Des nouvelles de Ada et nos amis Kallawayas
Cher(s) Ami (e)s,
Me voici de retour en France après 18 jours passés en Bolivie auprès de Ada, sa famille, la famille de Sergio et les membres des communautés kallawayas de Chari, Chajaya, Pampa Blanca, Canlaya et Huata Huata.
Avant toutes choses, je vous rapporte de la part de Ada, du groupe Kallawaya et de moi-même un grand merci pour vos messages, cartes, soutiens moraux et financiers. Nous avons récolté à ce jour 3 200 euros pour soutenir Ada dans cette épreuve et reçu des dizaines et dizaines de témoignages d'amitié et encouragement. Du fond du cour, merci pour votre implication et la considération que vous avez apporté. J'ai donné à Ada en vos noms les cartes et lettres adressées avant mon départ. Elle était bouleversée. Pour ma part, vos messages d'encouragements m'ont véritablement porté dans ce voyage qui, comme vous pouvez vous en douter, a été très éprouvant physiquement, mentalement et chargé d'un point de vu émotionnel. J'ai vécu ce voyage comme une véritable épreuve de vie et un formidable élan de solidarité collective. Vos pensées nous ont accompagné dans tout ce que nous avons réalisé.
Dans l'ensemble, je peux dire que le voyage s'est bien déroulé au regard des circonstances, des difficultés générées par le tragique accident et des intempéries de pluies assez catastrophiques. D'une manière générale Ada refait progressivement surface. Sa grossesse se déroule normalement et elle attend un garçon pour le mois de mai. Pour le reste, elle est encore fragile mais sa famille la soutien fortement, sa soeur Monica en particulier. Sa situation personnelle est compliquée car elle se retrouve sans travail et n'a à ce jour aucune reconnaissance et aucun droits liés au nom et au patrimoine de Sergio. Elle vit cela comme une double punition... d'autant plus que les relations avec sa belle famille ne sont pas simples. Ainsi, et pour que son enfant puisse porter le nom de famille de son père, elle doit commencer prochainement une procédure de "Mariage de Fait". C'est une procédure récente que permet la justice Bolivienne dans ce type de circonstances. Elle a besoin pour cela de 5 témoignages déjà trouvés et d'un jugement porté par un avocat. Le procédure prend entre 6 mois et 1 an. D'ici là, elle n'a droit à rien et en Bolivie, tout se paie lorsqu'une personne n'a pas de travail fixe, déclaré et cotisant à une "pseudo" sécurité sociale". Fort heureusement, le suivi de sa grossesse est pris en charge par l'état jusqu'à l'accouchement.
Je peux vous assurer que le soutien financier que vous avez apporté l'a profondément rassuré, au moins pour cette période, en particulier pour les dépenses matérielles liées au décès de Sergio (enterrement, déclaration, procédure, transports...), aux suites de son accouchement, la procédure juridique qu'elle va entamer pour le "mariage de fait", le quotidien... De votre apport, elle a fait le choix de céder 600 euros pour les 2 autres veuves victimes de l'accident. Elle est très inquiète pour ces 2 familles qui laissent respectivement 6 et 7 enfants orphelins de père.... soit 14 enfants en comptant le petit de Ada.
Ainsi, mon séjour s'est réparti en deux périodes. La première semaine avec Ada et sa famille, la 2eme semaine dans la région Kallawaya. Nous avons pu finaliser la 1ere semaine l'ensemble de la procédure de déclaration de l'accident, récupération des effets personnels des victimes auprès des services de polices, sollicitation de la procédure de dédommagement des familles auprès de l'assurance... qui stipule dans son contrat le coût d'une vie humaine à 3000 $... sans commentaire. Nous avons réalisé avec Ada, sa soeur et Orlando (le nouveau coordinateur du groupe Kallawaya) et moi-même une série interminable de rendez-vous.... avec corruption à tous les étages pour obtenir les formulaires, tampons, certificats... je ne vous raconte pas les trésors de patience qu'il a fallu déployer pour arriver à nos fins. Mais tout y est... c'est bien là le plus important. La procédure d'assurance et d'indemnisation est en route. J'espère qu'il n'y aura pas d'embûche dans les étapes suivantes.
La 2eme semaine a été consacrée au dégagement du véhicule et à la "clôture" religieuse et spirituelle de l'accident, selon les croyances locales et chrétienne. Nous avons mis 3 jours dans des conditions extrêmes, et je pèse mes mots, pour dégager la voiture qui est complètement détruit. Nous avons dû louer un tracto-pelle et solliciter la participation de 30 personnes pour nous aider. Le véhicule était logé au fond du ravin à plus de 200 mètres en contre bas de la route dans les rochers. Il nous a fallu réunir plus de 150 mètre de câble, 100 mètres de chaines, 900 mètres de corde, couper 6 arbres et planter 9 poteaux de 4 mètres à 1,5 mètres de profondeur et travailler de jour comme de nuit pour finalement dégager l'épave et l'emmener à La Paz pour que l'assurance puisse l'expertiser. Sans cela, l'assurance n'indemnisait pas. Suite à cela, nous avons fait réaliser une messe sur place, selon la volonté des familles, avec un rituel traditionnel kallawaya conduit par le Tio Buenaventura qui était en France l'automne dernier. Ces moments ont rassemblé plus de 60 personnes venues de tous les villages voisins. Une grande compassion et solidarité était présente. Ce fut très émouvant. Avant de rentrer, j'ai pu échanger avec les différentes communautés Kallawaya qui souhaitent redoubler d'efforts pour s'unir dans leurs projets. Notre association continuera à les accompagner, en mémoire de Sergio et des amis disparu.
Quelques personnes dans notre réseau ont émis l'idée de poursuivre cet élan de solidarité avec Ada, son fils et les victimes de l'accident et plus particulièrement leurs enfants sous la forme d'un parrainage. Un nom de ce projet a déjà été évoqué entre quelques personnes... "le collectif ADA". L'idée serait de créer un échange à l'année, pas uniquement sous une forme financière, pour accompagner Ada dans sa nouvelle vie sans Sergio en lui témoignant des messages d'amitiés et un soutien fincier et matériel. Sur le principe, et après en avoir discuté avec elle, elle est d'accord. Elle pense bien entendu a elle et son fils mais aussi aux 2 veuves et leurs enfants qui ont entre 0 et 13 ans, en particulier pour leurs besoins liés à leur scolarisation. Elle pense aussi aux 2 neveu et nièce de 15 et 17 ans que Sergio accompagnait dans leurs études et qui se retrouve sans rien...car leur père est veuf de 6 enfants...
Je vous joins quelques images du voyage et reste à votre disposition pour échanger sur mon voyage ou répondre à vos éventuelles questions.
Encore merci pour votre aide,
Bien à vous tous et toutes,
Eric LATIL
Président de l'association ECLAT